concorde fan a écrit:Pour employer un mot savant je dirais que plus la « marge statique » diminue (entre le foyer et le centre de gravité) , c’est ce que l’on fait en reculant le centrage, et moins on a besoin de force déployée pour arriver à un nouvel équilibre.
Moins d'efforts aérodynamiques = moins de trainée = + de rayon d'action.
Également avec du centrage arrière la profondeur participe un peu plus à la portance globale, car orientée un chouia de plus à piquer pour donner un effet piqueur longitudinalement.
En théorie je pense donc aussi que la vitesse de décrochage diminue très légèrement, mais que je déconseille vivement d’aller explorer, l’avion étant devenu du coup moins sain à la récupération…
François
Bon François je t'attribue le point!
Bravo d'avoir cherché.
C'est en effet un problème de stabilité longitudinale (en tangage) qui est liée aux positions respectives du centre de poussée des ailes et du centre de gravité.
Un avion pour pouvoir voler (sauf les avions à plan canard mais c'est un cas particulier) doit être "stable statiquement", c'est à dire qu'en cas de turbulence (rafale verticale du bas vers le haut) qui augmenterait son incidence, il doit naturellement retourner vers une position d'équilibre et diminuer son incidence sans intervention du pilote.
Pour obtenir cet effet auto-stabilisant, on se débrouille pour que le centre de gravité de l'avion (où s'applique le poids) soit toujours situé EN AVANT du centre de poussée des ailes (où s'applique la résultante de la portance), créant ainsi un moment à piquer qui contrera toute tendance à cabrer de l'avion.
Mais pour compenser cette tendance naturelle à piquer (synonyme de sécurité), et pour que l'avion vole droit en palier, il faudra créer un moment "cabreur" dans l'autre sens. La profondeur est donc calée négativement, c'est à dire légèrement vers le bas, de manière à créer une "déportance" qui a tendance à tirer la queue de l'avion vers le bas.
On comprend assez vite qu'il existe donc des limites de centrage avant et arrière pour chaque avion, qui sont liées à la capacité minimum/maximum de déportance de la profondeur. Ces limites sont déterminées par le constructeur à la certification.
Un avion centré avant est donc TRES stable en turbulence puisqu'il revient automatiquement en ligne de vol, MAIS comme il "pique du nez" constamment, la déportance à créer au niveau de la profondeur doit être plus importante qu'un avion centré arrière. On cale donc le PHR(*) avec une incidence négative plus importante, et forcément cela crée plus de trainée.
La consommation augmente et donc le rayon d'action diminue sur un avion centré en limite avant (je parle ici de la position de son centre de gravité).
Par ailleurs, une déportance importante (je rappelle que la déportance, c'est de la portance orientée vers le bas) crée un "poids apparent" supérieur, puisqu'elle s'exerce dans le même sens que le poids de l'avion. Donc l'avion centré avant en montée devra porter un poids apparent supérieur et aura donc des performances inférieures globalement.
Autre inconvénient sur un avion centré avant, il est peu maniable, car l'effort à la profondeur est très important, surtout à la rotation, et c'est également une limite qui concerne le centrage avant maximum.
Cette limite est déterminée aux essais en vol, en faisant traîner la queue de l'avion sur la piste, avec un avion d'essai équipé d'un sabot spécial.
A l'inverse un avion centré arrière a tendance naturellement à "lever le nez", il est moins stable en turbulence, mais par contre il est plus maniable car il nécessite moins d'efforts aux commandes. La déportance de la profondeur nécessaire pour contrer l'effet piqueur stabilisant sera moins importante, donc moins de traînée et moins de consommation à masse équivalente. La déportance étant réduite, le poids apparent aussi, donc meilleures perfos au global.
Pour la vitesse de décrochage:
A masse équivalente, le poids apparent étant réduit pour un avion centré arrière par rapport à un avion centré avant, et la vitesse de décrochage étant une fonction du facteur de charge (lié au poids apparent), la vitesse de décrochage diminue donc sur un avion centré arrière (et inversement).
En résumé:Avion centré avant: Avion stable, conso augmentée et performances diminuées, vitesse de décrochage augmentée
Avion centré arrière: avion moins stable, conso diminuée et performances augmentées, vitesse de décrochage diminuée.
Il est donc très important de garder l'avion entre les limites de centrages définies par le constructeur. L'avantage des commandes de vol électriques des avions modernes est qu'on peut concevoir des avions instables naturellement, mais économes et performants car centrés très en arrière, les commandes de vol corrigeant automatiquement les turbulences.
Jacques
(*) Le PHR (Plan horizontal réglable) est le système employé sur tous les liners modernes. On fait bouger l'ensemble de la profondeur (le plan horizontal en avant de la gouverne de profondeur, normalement fixe) avec un vérin placée dans la queue au niveau du bord d'attaque, vérin qui fait varier l'angle de calage négatif (et donc la déportance) de ce plan.
Le bon réglage du Trim de profondeur (variable en fonction de la masse au décollage) par les pilotes est indispensable pour pouvoir assurer une rotation correcte à Vr. On obtient d'ailleurs cette indication sur le CDU, calculée par le FMC en fonction des données du jour. On contrôle au sol que le PHR est bien réglé en vérifiant que le bord d'attaque du PHR est bien aligné avec des marques fixes tracées sur le fuselage.
Le calage du PHR en croisière est ensuite géré automatiquement par les commandes de vol électriques et cela agit également comme un "Mach Trim", pour compenser l'effet piqueur de l'aile ("Tuck Under") à l'approche du Mach critique.
Pour être tout à fait complet, j'ai appris récemment que sur certains avions (Airbus 330 entre autres), la gouverne de profondeur est creuse et peut servir de réservoir complémentaire (Trim Tank) de plus de 300 litres par demi-profondeur.
Au refuelling, et en tous les cas en début de croisière, un système automatique transfère du carburant vers l'arrière dans ce réservoir, avec pour effet de reculer encore un peu plus le centre de gravité. Cela permet ainsi de lutter contre le phénomène "Tuck under" et de réduire la consommation en croisière, mais également de réduire l'effort au manche à la rotation.
Le carburant est ensuite rebasculé vers l'avant dans le réservoir central selon les besoins et en tous les cas avant la descente. Tout cela est géré automatiquement par le FMC en fonction du profil de vol, cela de manière à conserver l'avion dans une plage de centrage optimale en termes de consommation.