aircockpit.com

Bonjour à tous.
C’est l’ete, le forum s’endort, alors je vous raconte quelques histoires...
Maintenant que les simus sont finis et en attendant le Base Training (6 tours de piste) sur l’avion réel qui va compléter ma Qualification de Rype sur A320, je fais des vols d’observation.
Hier je suis tombé sur un Captain très sympa qui m’a expliqué en direct live l’usage de la CDL lors de la visite extérieure de l’avion (Walkaround) avant décollage.

Sous le nez de l’Airbus, et sur le côté intérieur de chaque nacelle réacteur se trouvent des sortes d’ailettes longues d’une quantaine de cms et hautes de 15 cms environ: les Strakes (aucune idée de la traduction en français). Ces appendices aérodynamiques sont là pour recoller les filets d’airs aux grands angles d’attaque au niveau de l’emplanture de l’aile si j’ai bien compris, donc très utiles au décollage et à l’approche, où la vitesse est faible.
Il se peut que ces Strakes soient endommagés ou manquants et on s’en apercevra lors de la visite prévol.

La MEL(Minimum Equipment List) nous indiquera si on peut décoller avec un élément ou équipement non fonctionnel ou pas (la réponse est oui dans notre cas), mais, et c’est le plus important, la CDL (Configuration Deviation List) indiquera dans le cas de chaque élément extérieur manquant, s’il existe une pénalité quelconque en termes de consommation, de masse au décollage, de vitesses, etc...
Pour ces Strakes, la pénalité principale réside dans la limitation de poids au décollage, il faut tenez vous bien, enlever 7000kg environ à la masse maxi au décollage autorisée. Autant dire que si on est plein de passagers quelques uns vont être obligés de débarquer.
Un sacré impact sur les perfos de la part de si petits appendices! Intéressant...

Jacques
( Sur notre avion, je précise, les Strakes étaient tous là!)

C'est super ces détails et on n'imagine pas tout ce qu'il faut prendre en compte pour effectuer un vol dans de bonnes conditions, et au minimum, arriver à bon (aéro)port

Oui effectivement, on ne croirait pas!

Il y a à chaque instant dans le monde pas mal de vols commerciaux qui se font avec un plusieurs équipements qui ne fonctionnent pas ou plus, mais tant que c'est prévu et qu'on reste dans les limitations correspondantes, pas de soucis.
N'oublions pas que ces avions sont exploités intensivement, et le fait que tous les équipements principaux sont doublés voire triplés n'est pas pour rien dans la fiabilité générale des avions de ligne. Donc si un système non essentiel est inop, on peut continuer tant que l'équipage est au courant et que le cas de figure est prévu par le constructeur et validé par l'opérateur.

Le tout sous la responsabilité du Captain, qui décide en dernier recours si l'avion est en condition ou pas. Le Copi, lui...



Jacques

C'est genial ces info!!!! Merci Jacques!!!
Et c'est vrai que c'est dingue l'effet que peut avoir ces petites choses. Apres le constructeur applique peut etre aussi une marge de sécurité un peu plus grande que dans le cas nominale...

Oui, je pense que dans le cadre mili on doit avoir la même chose, surtout pour les opérations lointaines où la maintenance n’a pas toutes les pièces. Les marges doivent etres plus faibles, au pire l’avion ne vole pas, et il y a un siège éjectable....Ceci dit les vitesses ne sont pas les mêmes, et un capot fendu ça doit pas se comporter pareil à Mach 2+ qu’a M0.82.

Jacques

C'est une décision difficile à prendre : un commandant de bord qui refuse de prendre l'avion avec tout ce que cela implique, on vous apprend cela aussi ?
Le copi à son mot à dire dans ce type de décision ?

Euh non, on a pas de cours là-dessus. C’est vraiment des facteurs humains.
Libre au Captain de demander l’avis à l’équipage, mais c’est lui qui décide et est responsable en dernier ressort.

J’ai eu le cas lors d’un vol d’observation. En route pour Londres Heathrow, avec pas mal de CBs le long de la route et temps super bâché à l’arrivée, au bout d’une heure de vol, d’un coup un message sort sur l’imprimante ACARS.: WX Radar Antenna Fault. Panne d’antenne radar météo. A noter qu’aucun message ECAM ni alarme n’est apparu.
Et effectivement plus aucun écho radar ne s’affiche sur le ND. On est au FL390, juste au niveau des sommets des CBs, et on a déjà demandé des altérations de cap deux ou trois fois pour passer au large des monstres qu’on voit à 40/80NM en visuel et confirmé par le radar.

Le Captain passe commandes et radio au Copilote, se lève, va au panneau arrière, localise et tire le Circuit Breaker (disjoncteur) du radar, puis le ré-enclenche au bout de 5 secondes. Toujours rien...
On a plus de radar météo, un des rares équipements non doublés sur l'Airbus (il existe sur l'Airbus la possibilité d'avoir un deuxième radar en option, mais à mon humble avis ils partagent la même antenne, et de toutes façons, on a pas l'option ).

On est en VMC, tout va bien, alors que faire?
Discussion des options: continuer, se dérouter vers un aéroport équipé pour la réparation (Vienne dans notre cas) ou carrément faire demi-tour?
Il a demandé notre avis, et expliqué que continuer n’était pas envisageable sans radar selon lui, avec le mauvais temps sur Londres. Effectivement, ce serait comme rouler la nuit sans phares....On reprend pour confirmer la dernière météo de Londres via la fréquence VOLMET qui donne les météo des principales capitales Européennes. Des Cumulonimbus noyés dans la couche (EMBD CB) sont signalés un peu partout à partir de la Manche.

De plus, en admettant qu’on pose à Londres sans encombres, l’avion est à réparer et ne peut repartir de suite et assurer le vol retour! Au mieux c’est un découché à Londres non prévu pour l’équipage.

Le problème de Vienne qui est tout près et avec une météo sans soucis, c’est que ce sera aussi une réparation externe, forcément plus coûteuse et plus longue, et qu’il faudra acheminer les passagers ensuite vers Londres, c.a.d. envoyer un avion à Vienne.

Le retour à la base est donc préférable et de loin, ateliers de maintenance complets, avion de rechange et équipage dispo, etc... Certes c’est une heure et demie de vol de plus, mais au global c’est mieux.

Décision est donc prise de faire demi-tour. On a le carburant pour, la météo à destination est « correcte ».
On préviendra les Ops par radio (la compagnie n’a pas de liaison ACARS avec les Ops) dès que possible, en demandant au contrôle de relayer le message. Ils pourront préparer avion et équipage de remplacement, car vérification faite, l'amplitude maxi du temps de service, qui varie en fonction de l’heure de prise de service (05:50 du mat') et du nombre d’étapes (3) , serait dépassée, ce qui veut dire que l’équipage ne repartira pas.
Tout le monde est d’accord, on applique donc cette décision prise par le Captain, il est temps de prévenir la Chef de Cabine, et au final de faire une annonce aux passagers.

Reste pas mal de paperasse à remplir pour le CdB, car une décision de demi tour doit être justifiée!
Le retour se fera sans encombres, à naviguer à vue entre les CB. A peine arrivés les passagers sont transférés dans l’autre avion prêt à partir. Un peu plus de deux heures de retard au global pour les passagers, dont la sécurité a été assurée jusqu'au bout.

Une bonne leçon de (CRM) Crew Resource Managment en tous les cas.

Jacques

enlever 7000kg environ 

Je pensais que tu avais fait une faute de frappe. Je voyais plutot 700 Kg
Tu as bien fait de mettre un bout de doc.

Tu pourrais me rapeller le poid maxi au decollage que je me rende compte à quoi correspond ces 7 tonnes.

Mais au fait ; qui tombe à l'eau

Christian

arcc a écrit:

enlever 7000kg environ 

Tu pourrais me rapeller le poid maxi au decollage que je me rende compte à quoi correspond ces 7 tonnes.

Mais au fait ; qui tombe à l'eau

Christian

61500 Kg pour le 318. On est à plus de 10%!
Et dans le cas qui nous intéresse, la CDL a priorité, MEL tombe à l’eau.

Jacques

Merci de partager cette anecdote Jacques (durant la lecture j’étais juste derrière ton épaule comme si j'y étais....)