JacquesZ a écrit:En résumé je pense que cet avion devait être centré arrière avec un plan fixe de profondeur légèrement porteur (peut être pas assez) et une profondeur semi monobloc peu ou mal équilibrée. A moins que ce soit le contraire!
Bref ça devait être assez sportif à piloter un truc pareil.
Je laisse François développer plus avant.
Jacques
Porteur voici le mot que j'attendais, carrément porteur même !
Voici donc une des particularités du Blériot XI : son stabilisateur ainsi que la partie mobile ont le même profil : asymétrique, creux et très porteur.
Autant pour l’aile et sur un avion destiné à voler lentement c’est très bien, autant pour un stabilisateur, c’est bourré d’inconvénients.
Quand l’air est très stable et la vitesse tenue avec un peu de rab par rapport à la vitesse de décrochage, ça passe encore.
Par contre quand ça commence à turbuler, l’arrière de l’avion se prend subitement des envies de faire juste ce qu’il veut, au gré des variations de sa portance, pas du tout plaisant ni sain à piloter.
Comme en gauchissement, on arrive aussi très rapidement aux butées de manche pour contrer, et que la gouverne de direction est petite, on cumule tout.
Bref, tout vol en atmosphère turbulente est assez sportif, voire très dangereux avec cet avion.
Le Blériot XI est un avion usant, très exigeant, qui doit se piloter en permanence, ne jamais lui accorder la moindre liberté sous peine de ne plus pouvoir le récupérer et de finir rapidement au tapis.
Sa finesse est médiocre, suffit de le regarder de près, il traîne de partout.
Pas de chance non plus, toutes les pièces historiques sont faiblement motorisées, on ne doit donc jamais lui laisser le nez partir vers le haut car il flirtera immédiatement avec sa vitesse de décrochage.
Parlons-en du décrochage, il salue gentiment mais avec une forte tendance à engager sur une aile car la batteuse devant est lourde et a un très grand diamètre.
Il est assez difficile de garder la bille centrée avec la petite dérive qui accuse souvent un temps de réponse avec un léger retard, et l’efficacité de la commande de gauchissement n’en parlons pas.
Le port de lunettes est obligatoire sur cet avion car le moteur crache en permanence de l’huile chaude.
Le moteur est gavé via une pompe mécanique et par un réservoir indépendant à huile perdue , pas de carter de récupération.
Le débit d’huile est à régler finement, de préférence avec un léger plus pour éviter l’échauffement des pièces moteur et un possible serrage de celui-ci.
Cet avion malgré tout est très attachant, dégage un charme fou et le son du moteur pétaradant fait partie du folklore.
Tout pilote, malgré toutes les horreurs qu’on peut dire sur cet avion, crève d’envie de l’essayer un jour, juste histoire d’évaluer son niveau de pilotage aux fesses, puisque niveau instrumentation c’est le grand vide !
J’ai 2 anecdotes à vous raconter sur le sujet Blériot XI en guise de conclusion.
La première
André Turcat, que l’on ne présente plus, a demandé un jour à Jean Salis (La Ferté Alais ça vous dit forcément quelque chose) s’il pouvait lui prêter un Blériot XI pour le tester en vol et se faire une petite idée.
Jean Salis accepta bien volontiers lui donnant cette simple consigne :
« Je vous suggère de voler tôt le matin quand les conditions météo sont très calmes, enfin vous verrez...»
André Turcat revenant de son vol se tourna vers Jean Salis et lui fit son rapport : « J’ai vu !»
Tous deux eurent ensuite un sourire très complice.
Deuxième anecdote
Jean Caillard (il a été question de lui sur le quiz précédent) que voyez sur le côté droit de cette photo, en costume sombre, supervisant les opérations a participé à la restauration de ce Blériot XI.

Il a même eu l’occasion de faire un saut de puce avec ce même avion, comme quoi à plus de 90 ans certains ont toujours la forme.
A bord du Blériot, toujours sur cette même photo, le pilote décontracté, n’est autre que l’un des pilotes d’essais de l’A400M.
On voit parfaitement bien sur cette photo le profil creux du stabilisateur ainsi que sur sa partie mobile.
Jean Caillard ayant également volé sur le Blériot XI dans sa jeunesse me disait aussi : « Quand vous volez sur cet avion il vaut mieux éviter de regarder en arrière… »
Forcément, je lui demande : « Pourquoi ? »
Ce à quoi il me répondit :
« Avec l‘arrière de l’avion fabriqué en treillis de bois, sur une longueur conséquente, tout est plutôt élastique.(ce qui contribue aussi à l’imprécision des gouvernes de vol)
Déjà durant les essais moteurs on voit tout l’arrière se tortiller et on se demande si on ne va pas perdre des bouts.
Mais une fois en vol c’est pire, et pas franchement rassurant… On regarde donc devant»
Bonne réponse de Jacques et je ne reprends pas toutes ses explications techniques, parfaites pour expliquer.
François